Le 3 mai marquait la Journée mondiale de la liberté de la presse. En Haïti, cette journée soulève des interrogations sur l’état actuel des médias, les progrès réalisés et les défis persistants.L’avènement des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) a profondément transformé la production et la diffusion de l’information.
Il a donné naissance à de nouveaux médias et réinventé le journalisme dans de nombreux pays, y compris Haïti. Depuis la fin de la dictature des Duvalier en 1986, le nombre de médias – radios, télévisions, plateformes en ligne – a fortement augmenté. Cette prolifération a favorisé une libération de la parole, mais s’est accompagnée d’un manque de régulation qui pose de sérieux problèmes de qualité et de fiabilité de l’information.
Haïti possède une longue tradition journalistique. Dès le XIXe siècle, la presse y était foisonnante, avec 885 titres recensés de 1804 à 1949. À partir des années 1960, la diffusion radiophonique a évolué de l’AM vers la FM. Sous la dictature, seules quelques stations de radio existaient. Après 1986, la fin du régime des Duvalier a permis aux journalistes exilés de rentrer et de relancer leurs activités. De nombreuses stations ont vu le jour dans les années 1990 et 2000, comme Mélodie FM, Kiskeya, Tropic FM, Radio Solidarité, Radio Antilles, Galaxie ou encore Radio Super Star. D’autres, comme Radio Caraïbes, Radio Soleil, Haïti Inter, Lumière, Métropole ou Nationale, étaient déjà présentes. Cette période est considérée comme l’âge d’or de la radiodiffusion haïtienne.
Durant cette époque, des dizaines de journaux, hebdomadaires et magazines étaient publiés et diffusés en Haïti et dans la diaspora. Les années 1990 ont vu une explosion de la radiodiffusion, suivie par l’essor des chaînes de télévision dans les années 2000. Jusque-là, seules deux chaînes existaient : Télé Haïti (privée) et Télé Nationale (publique). Cette croissance s’est déroulée alors qu’Haïti entamait une transition démocratique difficile. Cependant, la formation du personnel des médias n’a pas suivi cette expansion.
Aujourd’hui, de nombreux médias sont animés par des personnes sans formation journalistique. Cela entraîne une baisse de la qualité de l’information : peu de rigueur, absence de vérification, langage sensationnaliste. La presse professionnelle est noyée dans un flot de contenus médiocres, voire nuisibles. Si certaines écoles privées tentent de combler le vide, la majorité des journalistes et techniciens sont formés de manière empirique. Des animateurs non qualifiés prennent d’assaut les ondes, souvent motivés par la recherche de notoriété ou de profit. Cette dérive affecte la crédibilité des médias, en particulier sur les plateformes numériques.
Les médias en ligne, bien qu’ils constituent une opportunité d’accès à l’information, posent également des risques importants. Ils ont fait émerger une nouvelle génération de personnalités médiatiques, parfois peu soucieuses des règles déontologiques. Sur YouTube, Facebook et autres plateformes, des contenus sont diffusés sans filtre ni encadrement. Ces publications sont parfois sensationnalistes, voire mensongères, destinées à générer des vues plutôt qu’à informer de manière responsable.
Dans ce paysage, certains gangs armés disposent de leurs propres relais médiatiques et entretiennent des liens troubles avec certains journalistes. Des médias ont été attaqués, des journalistes enlevés ou menacés. Récemment, le local de Radio Caraïbes a été vandalisé et une station à Mirebalais a été occupée par un groupe armé.
Les médias en ligne échappent à toute forme de régulation. On ignore leur nombre exact, leur emplacement ou leur ligne éditoriale. Ils représentent à la fois une force de communication incontournable et un danger pour la profession journalistique. Grâce à leur accessibilité et à leur interaction directe avec le public, ils influencent fortement l’opinion publique. Mais leur fonctionnement hors cadre légal les rend vulnérables à la manipulation politique et sociale. Ils propagent souvent rumeurs, fausses informations et discours violents.
En l’absence d’une autorité de régulation efficace, les médias haïtiens évoluent dans une jungle informationnelle où la liberté d’expression est parfois instrumentalisée au détriment de la vérité et de la responsabilité.
Rédaction kominotek NEWS