Dans un contexte haïtien marqué par une fragmentation croissante de l’autorité, certains territoires sont aujourd’hui perçus comme des zones de non-droit. Pourtant, ces espaces, bien que souvent mal compris par les médias et l’opinion publique, continuent d’être habités et vécus. Parfois, ils sont même considérés comme des refuges de paix par leurs habitants. Ce paradoxe invite à repenser notre compréhension du rôle de l’État, du territoire et de la souveraineté, en s’inspirant des théories de Thomas Hobbes, des stratégies décrites dans *L’Art de la guerre* de Sun Tzu, ainsi que des analyses de Michel Foucault dans *Surveiller et Punir*.
Selon Hobbes, l’État est une entité créée par un contrat social, où les individus renoncent à une partie de leur liberté en échange de sécurité et d’ordre. Le Léviathan, ce pouvoir central fort, vise à éviter un retour à l’état de nature, décrit comme une guerre permanente. En Haïti, ce n’est donc pas l’absence de l’État qui est en cause, mais plutôt un abandon délibéré de ses responsabilités.
Comme le suggère *L’Art de la guerre*, la victoire ne repose pas sur la force brute, mais sur la stratégie, la connaissance du terrain et l’action opportune. En renonçant à certains territoires, l’État haïtien ne démontre pas sa faiblesse, mais crée plutôt l’illusion d’une défaite.
Ces zones, souvent qualifiées de « territoires perdus », sont en réalité des espaces de vie, d’organisation et parfois de solidarité pour leurs habitants. Les résidents y évoluent selon des règles et un ordre qui, bien que différents de ceux de l’État, structurent leur quotidien. Ce que l’on perçoit de l’extérieur comme du chaos est, pour eux, une réalité organisée autour d’autorités non étatiques.
La Constitution haïtienne de 1987, amendée, affirme sans ambiguïté que Haïti est une République « indivisible, souveraine, indépendante, libre, démocratique et solidaire » (art. 1). Déclarer certains territoires comme « perdus » contredit ce principe fondateur.
L’État, par essence, incarne la force collective, l’unité nationale et la souveraineté populaire. Les problèmes actuels – corruption, inaction, gestion territoriale inefficace – ne reflètent pas une faiblesse intrinsèque, mais plutôt un manque de volonté politique et une perte de sentiment patriotique.
Les théories stratégiques, de Sun Tzu à Clausewitz, rappellent qu’un espace abandonné par une autorité légitime sera inévitablement occupé par une autre. Pour Foucault, le pouvoir moderne se manifeste à travers la surveillance et la normalisation des comportements. En abandonnant certains territoires, Haïti laisse un vide que d’autres forces ne tarderont pas à combler.
Le mythe des territoires perdus ne doit pas devenir une fatalité. L’enjeu réside dans une réappropriation nationale, non par la violence, mais par une gouvernance éclairée, équitable et ancrée dans une conscience patriotique.
Rédaction Kominotek NEWS