« Les enfants haïtiens méritent autant d’attention que ceux d’Ukraine ou de Gaza » :Déclaration de Dominique Dupuy sur France 24
Dans une interview accordée à France 24, la ministre des Affaires étrangères d’Haïti, Dominique Dupuy, a qualifié le massacre de plus de 177 civils survenu le 3 octobre dernier, orchestré par le gang « Gran Grif » à Port-Sondé, de « nuit tragique ». Elle souligne que les autorités ont rapidement réagi en dépêchant des renforts de sécurité, tout en reconnaissant que les ressources limitées contraignent le gouvernement à adopter une approche « réactive » plutôt qu’offensive.
Dupuy exprime également son attente concernant le déploiement effectif de la force multinationale de soutien à la police nationale, approuvée par le Conseil de sécurité des Nations unies. Cependant, elle révèle que le nombre total de forces multinationales ne dépassera pas 1 000 hommes, bien en dessous des 2 500 initialement promis. « C’est largement insuffisant pour faire face à des adversaires très mobiles », déplore-t-elle. Selon elle, la capacité d’accueil de la base militaire qui recevra ces forces est limitée à 1 000 personnes, et le financement est trop faible pour élargir cette capacité.
Pour cette raison, Haïti prévoit de demander au Conseil de sécurité de l’ONU de transformer cette mission en mission onusienne, une requête qui avait déjà été rejetée l’année précédente. « Nous devons impérativement que cette transition vers une mission onusienne se fasse rapidement », insiste Dupuy, affirmant que la proposition de résolution sera soumise en décembre.
La ministre qualifie la situation humanitaire en Haïti de « tragique », mettant en avant que 30 à 40 % des membres des gangs sont des enfants. « Il est crucial de rétablir la sécurité tout en fournissant des services de base », déclare-t-elle. Elle exprime sa préoccupation que les crises au Proche-Orient et en Ukraine aient éclipsé la situation haïtienne sur le plan humanitaire. « Les enfants haïtiens ne méritent pas moins que ceux d’Ukraine ou de Gaza », affirme-t-elle, tout en alertant que le pays est sur le point de déclarer une situation de famine. « Nous redoutons de devoir déclarer, pour la première fois dans l’hémisphère américain, une famine dans les mois à venir », avertit-elle.
Dominique Dupuy condamne également la décision de la République dominicaine d’expulser 10 000 Haïtiens chaque semaine, annoncée le 2 octobre. « Cette décision du président Abinader nous déçoit énormément. Elle nous a surpris, surtout après les accords visant à établir un climat de rapprochement entre nos deux pays », explique-t-elle. Elle dénonce des pratiques qui violent le droit international et qui sont discriminatoires en raison de la couleur de peau, et elle annonce des recours légaux devant la Cour interaméricaine des droits de l’homme.
Concernant la promesse d’une transition vers de nouvelles autorités prévue pour le 7 février 2026, Dominique Dupuy précise que cela ne sera possible qu’avec le déploiement d’une force de maintien de la paix onusienne, nécessitant l’adoption d’une résolution du Conseil de sécurité en décembre. « Nous devons absolument garantir la sécurité des personnes qui devront voter », souligne-t-elle.
Interrogée sur la possibilité d’un report de la transition politique, elle répond qu’il est « prématuré de faire des suppositions », tout en réaffirmant l’objectif d’une transition qui se déroule dans les délais impartis.
Rédaction Kominotek News